Essorés, les Écossais !
L'épatante machine à remonter le temps nous ramène à un huitième de finale aller de Coupe d'Europe des Clubs Champions, le 22 octobre 1975 dans le Chaudron. La veille, les Écossais, cool, avaient fait du shopping. Le lendemain, les Verts, pas économes de leurs efforts, leur présentèrent l'addition. Douloureuse (2-0).

En cette rude soirée d'automne qu'aucun Écossais pur malt n'aurait reniée, les Rangers se dressent sur la route de... Glasgow. L'amuse-bouche danois et les succès face au KB Copenhague (2-0, 3-1) passés sans encombres, un plat de résistance, autrement moins digeste, est donc au menu d'une formation stéphanoise, auréolée d'un parcours remarquable et d'un exploit, tout bonnement amazing, face aux Yougoslaves de l'Hajduk Split (1-4, 5-1 ap) réalisés lors du précédent exercice. Désormais rompue aux joutes continentales, l'AS Saint-Étienne se doit d'élever le curseur en termes d'intensité et d'agressivité face à des Britanniques ne s'embarrassant pas de fioritures, ADN oblige. D'autant que les Rangers, au-delà de leur viscéral fighting spirit leur collant aux crampons et de leur kick and rush dévastateur, ne sont pas dénués d'atouts ainsi qu'en atteste leur triomphe en coupe d’Europe des Vainqueurs de coupe 1972 aux dépens du Dynamo Moscou (3-2 à Barcelone).
Un combattant nommé Patrick Revelli
"Il nous faudra faire preuve de vivacité et d'inspiration afin de déstabiliser une équipe rugueuse et athlétique", prévient Robert Herbin. Son homologue sur le banc des Rangers a, quant à lui, mis en garde son groupe. "Je les ai supervisés face à Nantes (2-2). Ils ont du répondant. J'ai particulièrement remarqué leur attaquant, Patrick Revelli. Un sacré joueur qui évolue à la manière de chez nous. Un fameux combattant." Un avertissement demeuré lettre morte : d'une frappe soudaine et dans un angle réduit, l'irréductible Gaulois, déjà double buteur face à Copenhague, trouvant logiquement l'ouverture tant la domination ligérienne est sans partage.
Bien que privés des services de Pierre Repellini, entaillé au cuir chevelu, stigmate d'un choc avec Jacques Santini lors d'une ultime séance d'entraînement, d'Alain Merchadier, touché à la cheville et de Christian Sarramagna, sévèrement touché au ménisque face aux Uruguayens du Penarol de Montevideo, les Verts attaquent sans répit. Encore et encore. Remettent cent fois leur ouvrage sur le métier. Ils obtiennent douze corners, ne laissent que quelques miettes à un rival s'arc-boutant mais finissant par céder à la 89e minute et un shoot victorieux de Dominique Bathenay. "Sur le terrain, on les voyait donner des signes de lassitude. J'en ai profité", notera tout simplement ce milieu gaucher à l'activité inlassable et à la frappe chirurgicale.
Jack Wallace : "Ce soir, vous n'avez pas vu le vrai visage des Rangers"
Courroucé, Jack Wallace, le coach écossais pestera contre le sort. "Le forfait de McCloy, remplacé au pied levé (le portier écossais avait été blessé lors de l'échauffement par... son propre coéquipier, Colin Stein!) nous a déstabilisés. Quant à nos attaquants, McLean et McDonald, ils ont été franchement mauvais! Ce soir, vous n'avez pas vu le vrai visage des Rangers. Un off day dont on saura tirer les leçons. Ce deuxième but, survenu au pire des moments, nous est tombé dessus comme la foudre. Mais nous ferons tout pour nous relever", confessera le technicien britannique, adepte d'un football engagé. Avant d'ajouter, sans sourciller ni état d'âme, en réponse à une question de journalistes s'étonnant d'une telle débauche d'énergie : "Vous êtes surpris. Mais, c'est ça la Coupe d'Europe !". Le retour promettait d'être chaud brûlant. Les Verts, deux semaines plus tard, éteindront le feu dans l'enfer d'Ibrox Park (1-2).
La presse française rendra, pour sa part, un hommage appuyé et unanime à Jean-Michel Larqué et ses coéquipiers. "Cette équipe stéphanoise a atteint un rare degré de sang-froid, de maîtrise technique, de sobriété et d'intelligence. Il lui manque bien peu de choses pour prétendre à n'importe quelle couronne..."
L'Act Third avait décidément tout d'un best-seller à déguster sans modération. Un drink avec un grand D de 50 ans d'âge. Sur la route de Glasgow, les Verts écrivaient, match après match, leur légende.
Mercredi 22 octobre 1975
À Saint-Étienne (Stade Geoffroy-Guichard), AS Saint-Étienne bat Glasgow Rangers : 2-0 (1-0).
Arbitre : Leonardus Van der Krost (Pays-Bas); 28 394 spectateurs.
Buts pour Saint-Étienne : P. Revelli (28e), Bathenay (89e).
Avertissement aux Glasgow Rangers : Miller (16e).
ASSE. Curkovic - Janvion, Lopez, Piazza, Farison - Bathenay, Larqué (cap.), Synaeghel - Rocheteau, H. Revelli, P. Revelli. Entraîneur : Robert Herbin.
GLASGOW RANGERS. Kennedy - Jardine, Creig (cap.), Jackson, Miller - Stein, Forsyth, McDonald - McLean (Young, 69e), Parlane (Handerson, 69e). Entraîneur : Jack Wallace.