Bernard Champion, Vert à jamais

"Tout seul, vous n'êtes rien." Ou quand les mots sonnent juste, sont frappés du sceau de la pertinence et vous invitent à l'humilité, vertu cardinale qui aura toujours guidé les pas et collé aux crampons de Bernard Champion. Ces propos comme une leçon de vie, nous les avons empruntés à cette figure incontournable de la maison verte, ce serviteur dévoué de son club de toujours qui, prochainement, tirera sa révérence, s'apprêtant à goûter aux plaisirs d'une retraite amplement méritée.  

Soixante-dix ans de fidélité à l'AS Saint-Étienne : un fameux bail invitant à l'évidence au respect et dont Bernard, en dépit de sa modestie viscérale, peut être légitimement fier. "J'ai connu toutes les équipes de jeunes, depuis les pupilles en 1956. Mon premier entraîneur n'était autre qu'Eugène N'Jo Léa (le Camerounais, auteur de 92 buts en Vert à la fin des années 50, formait avec Rachid Mekhloufi et Kees Rijvers une triplette d'attaquants d'exception, ndlr). Avec mes copains, tous des Stéphanois bon teint, nous avons gagné tous les titres départementaux. J'ai eu également la chance de disputer deux finales de Gambardella. Je jouais 8 ou 10 (l'ASSE s'était imposée en 1963 aux dépens du CASG Paris (3-1) et s'était inclinée en 1964 face au Stade de Reims (4-3, ndlr)", se remémore le Stratien né en 1945 qui évoluera avec la réserve ligérienne aux côtés de Jean-Michel Larqué, son ami à jamais, Francis Camerini, Hervé Revelli ou "Tintin" Triantafilos.

Les Verts réservistes en 1965. En haut : Farison, Pelletier, Martin, Camerini, Mercati, Murat. En bas : Drevet, Triantafilos, Revelli R., Champion, Bereta. Photo : Le Dauphiné Libéré. 

Un ticket gagnant avec Jean Boulais

 Après avoir évolué en Grands Amateurs, Groupe Centre, à Thiers, Bernard Champion a rejoint sa terre natale, passant ses diplômes d'entraîneur en 1976 et prenant les rênes du club de L'Étrat. "Nous avons connu plusieurs accessions, montant de District en Honneur", précise ce talentueux gaucher.  

Après avoir analysé, lors de la saison 1989-1990, les forces et faiblesses des futurs adversaires et d'en rendre compte à Robert Herbin, Bernard Champion, en qualité de bénévole, s'investit aux côtés du président Yves Guichard et de Jean-Michel Larqué. Il s'implique notamment dans la création de la maison de La-Tour-en-Jarez qui accueillera ses premiers pensionnaires. On pense entre autres à Zoumana Camara, Jérémie Janot ou Julien Sablé. "Des gars exemplaires avec lesquels nous n'avons rencontré aucun souci". Fort de ses connaissances et d'un réseau XXL, il œuvre dès lors à l'émergence du centre de formation à L'Étrat. "Casino avait acquis les terrains des Ollières afin d'y transférer son siège social de la rue de La Montat. L'opération ne s'est pas concrétisée." Il y avait là quelque quatorze hectares à proximité de Saint-Étienne sur lesquels l'ASSE et Jean Boulais, porteur obstiné dudit projet, jetteront opportunément et judicieusement leur dévolu. Avec la réussite que l'on sait.

Du beau monde à L'Étrat

Riche de cet épatant outil de travail et de la notoriété du club, fut créée en 1997 l'Association pour la Formation aux Métiers du Sport de Saint-Étienne et de sa région. Une riche idée dont Bernard Champion fut la cheville ouvrière. "Grâce à Osvaldo Piazza, nous avons mis nos installations à disposition de l'Argentine de Javier Zanetti, Gabriel Batistuta et Diego Simeone. Notre projet était désormais sur les rails", confie Bernard Champion. Les Bleus d'Aimé Jacquet, un an avant le titre mondial de 1998, le Mexique en 2002, le Brésil de Ronaldinho et d'un certain Araujo Ilan en 2003, l'Équipe de France de Raymond Domenech en 2006. élirent également domicile à L'Étrat. "Sept années durant, nous avons rentabilisé ces installations", précise cet amoureux de son territoire, des Verts et du travail bien fait, en charge de l'intendance générale du club. Bosseur infatigable, mémoire vivante de l'ASSE - "j'ai connu le siège situé au 13, rue de la Résistance. Il y avait uniquement quatre salariés dont Charles Paret" - se souvient-il, des trémolos dans la voix. 

Comment oublier par ailleurs son action inlassable dans le cadre des stages d'été, ces sourires et éclats de rire d'enfants, lui qui aura grandi avec l'ASSE. "En 1957, à 11 ans, j'ai eu la chance d'être ramasseur de balles derrière la cage gardée par Claude Abbes. C'était face à Rennes. Nous avions alors remporté le premier de nos dix titres de champion de France. À l'issue du match, j'ai remis une gerbe à Pierre Guichard. Quelle fierté, j'ai ressentie !"

Cette fierté de collaborer, des décennies durant, à l'ASSE aux côtés de salariés investis et compétents. "N'oublions jamais que tout seul, vous n'êtes rien".

Bonne retraite et grand merci, Bernard Champion définitivement le bien nommé.